Collages de Stephen Batchelor, du 20 au 27 mai 2023 à Montmorillon
Collages, de Stephen Batchelor sera exposé en France à la Galerie 727 du 20 au 27 mai, au 10 avenue de la République, 86500 Montmorillon.
Le vernissage de l'exposition aura lieu le samedi 20 mai à 19 heures. Stephen enregistrera une conversation publique (en anglais) avec son frère, l'artiste et auteur David Batchelor, enregistrée avec Ronn Smith pour le magasine Bouddhiste américain Tricycle, le dimanche 21 mai à 17 heures. Il donnera une conférence (en français) sur son travail, suivie d'une discussion, le samedi 27 mai à 17 heures. Stephen sera en résidence à la galerie pendant toute la durée de l'exposition.
Voici 2 textes de Stephen Batchelor qui présentent son travail de collage :
- Collages, rédigé en mars 2023 pour présenter cette exposition, et
- Un Cosmos d'objets trouvés, publié le 2 janvier 2015 dans l'International New York Time.
Collages, par Stephen Batchelor
J'ai commencé à faire des collages vers l'âge de douze ans. Je me souviens très bien du plaisir que j'éprouvais à coller des images sans rapport les unes avec les autres, découpées des magazines et des journaux, puis à les réorganiser pour former une toute autre image. Il y avait quelque chose de magique à reconfigurer des éléments aléatoires en un nouvel ensemble. C'est peut-être à ce moment-là que j'ai compris pour la première fois ce que signifiait la créativité : donner naissance à quelque chose qui n'existait pas auparavant. Depuis, le collage est devenu un principe directeur pour la plupart de mes activités. De plus en plus, je considère mon écriture comme une sorte de collage, à la seule différence que mes livres sont des collages de mots et de paragraphes plutôt que de vieilles photographies et de bouts de papier déchirés. La question centrale et le conflit intérieur qui animent mes collages et mon travail écrit sont les mêmes : comment ceci va-t-il avec cela ? Je ne suis peut-être pas en mesure d'expliquer logiquement pourquoi deux mots ou deux bouts de papier coloré vont ensemble, mais je le ressens esthétiquement.
Je fais des collages lentement mais régulièrement depuis 1995, mais jusqu'à cette année, je ne les avais jamais exposés dans une galerie d'art. Ils recouvrent les murs de ma maison en France, mais je n'ai jamais eu envie de les rendre publics - et jusqu'à récemment, je n'ai jamais été invitée à le faire. Je les considère plutôt comme des contreparties privées et non verbales de mon travail écrit. Les collages fonctionnent comme une sorte de processus subconscient parallèle à l'acte conscient d'écrire, apportant une profondeur invisible, des motifs et des couleurs qui courent sous le bruit de fond des mots.
Je ne considère pas mes collages comme "bouddhistes". Comme l'art de toutes les cultures, ils peuvent refléter certains thèmes et idées bouddhistes, tels que l’impermanence et la souffrance, mais ils contiennent rarement des éléments bouddhistes reconnaissables. Pourtant, je ne peux nier que ces images sont le fruit d'une vie imprégnée du Dharma. En d'autres termes, mes collages sont un moyen non verbal d'explorer les mêmes questions existentielles que celles que le bouddhisme cherche à aborder verbalement. Chaque collage aborde la question sans paroles : Pourquoi suis-je ici ? Le "ici" est présent dans chaque morceau de matériaux que je trouve dans les rues ou dans les ordures des gens, que je sauve de l'oubli et que je restitue au monde afin qu'il puisse être reconfiguré et contemplé à nouveau au lieu d'être oublié et ignoré.
J'ai beau essayer de tenir le bouddhisme à l'écart de mon travail, il a tendance à y revenir. Il est parfois présent dans les titres que je donne aux œuvres. Le premier collage à grande échelle que j'ai réalisé est un triptyque intitulé Trikaya, qui fait référence aux trois "corps" du Bouddha - le corps du Dharma, le corps archétypal et le corps manifeste. Ces idées du Bouddhisme Mahayana ont sans doute toujours été en arrière-plan, mais le moteur de l'œuvre a été la recherche d'un nombre suffisant de morceaux de papier, de tissu et de plastique mis au rebut à partir desquels la réaliser, ainsi que les principes formels qui ont déterminé la manière d'organiser les matériaux une fois que je les avais trouvés. La séquence suivante de collages s'intitule Octet et se compose de quatre diptyques. Chaque diptyque consiste en un collage abstrait de quatre couleurs (rouge, bleu, blanc, jaune) côte à côte avec un collage correspondant fait de vieilles photographies, de textes, de restes de tissus imprimés, etc. Que ce soit dans les discours pali ou dans les manuels monastiques tibétains, le rouge, le bleu, le blanc et le jaune sont considérés comme les quatre couleurs primaires. Ce quatuor se retrouve dans de nombreuses doctrines classiques : les quatre tâches, les quatre vérités, les quatre chemins, les quatre incommensurables, etc. Le bouddhisme est plus implicite dans Octet, mais d'une certaine manière plus fondamental pour l'œuvre que dans Trikaya.
Trikaya et le premier diptyque d'Octet seront présentés lors de l'exposition à Montmorillon. En outre, j'inclurai une séquence de quatre œuvres récentes, collectivement intitulées Sur Noir, réalisées pendant et après la fermeture de Covid. Ces œuvres sont issues de la série Octet mais ont pris une vie propre, dans laquelle l'influence bouddhiste a presque entièrement disparu. Au fil du temps, j'ai appris à faire confiance à la logique interne des collages et à abandonner mes propres désirs quant à la façon dont ils devraient être. Je n'ai aucune idée de l'aspect d'une œuvre avant qu'elle ne soit terminée. À chaque fois, je suis surpris par ce qui émerge. Je suis à la fois ravi et déçu. Mais la graine du prochain collage est toujours enfouie dans cette déception. L'incertitude et l'imperfection du monde me poussent à poursuivre dans cette voie. Sans souffrance, il n'y a pas de beauté.
– Stephen Batchelor, 21 mars 2023
Un cosmos d'objets trouvés, par Stephen Batchelor
Finalement, après beaucoup de retard et de désinformation, j'ai récupéré mon nouveau passeport au centre de service à la clientèle près de la gare Victoria à Londres. En guise de bonus inattendu, il m'a été remis, avec son prédécesseur usé et aux coins découpés, dans une enveloppe jaune. Ce qui a immédiatement attiré mon attention, c'est que l'enveloppe était d'un jaune citron brillant et non du jaune bureaucratique terne, qui est plus proche, en réalité, d'un orange brunâtre. De plus, le papier de l'enveloppe était agréablement lisse et uniforme au toucher, et suffisamment fin pour que le motif en nid d'abeille de son verso transparaisse. C'était un cadeau, une bénédiction peut-être, involontaire de la part de la jeune femme souriante qui m'a tendu le paquet de l'autre côté du comptoir. Elle a peut-être pensé que mon air de surprise ravie avait quelque chose à voir avec un amour des documents de voyage plutôt qu'avec une obsession de longue date pour les détritus du monde moderne.
La plupart des personnes désireuses d'obtenir un nouveau passeport auraient probablement ignoré l'enveloppe jaune et brillante. Leur précieux passeport bien à l'abri dans un portefeuille ou un sac, ils auraient froissé l'enveloppe en boule et l'auraient jetée. Son but éphémère rempli, elle devient un déchet.
J'étais venu à Londres ce week-end-là pour une conversation publique avec mon frère David, un artiste et écrivain dont le livre The Luminous and the Grey était lancé à la Whitechapel Gallery, dans l'est de la ville. Inspiré par la remarque gnomique de Wittgenstein : "Ce qui semble lumineux ne semble pas gris", David poursuit dans ce livre la méditation soutenue sur la couleur qu'il a entamée dans son précédent ouvrage, Chromophobia. Habitant convaincu de la ville, mon frère évite les teintes bucoliques des fougères et des boutons d'or au profit des couleurs vives, chimiques et industrielles qui nous assaillent depuis les panneaux publicitaires, les bouteilles en plastique, les écrans LCD et les tubes fluorescents.
Les dernières réflexions de David s'éloignent de la contemplation directe des couleurs vives elles-mêmes pour se concentrer sur les conditions de fond dans lesquelles elles apparaissent. Plutôt que d'être aveuglé par l'éblouissement des lumières artificielles, il remarque comment elles scintillent doucement dans l'asphalte humide sous nos pieds. De tels moments de luminosité fugitive émergent avec le plus d'éclat du paysage gris qu'est la ville la nuit. Les deux vont de pair : "Ils cohabitent et se soutiennent l'un l'autre, dans une relation d'interdépendance non reconnue", remarque-t-il.
La pratique d'un tel art s'affine en apprenant à remarquer ce qui nous entoure en permanence mais que nous avons l'habitude de négliger. Cette discipline de l'attention est tout aussi rigoureuse que celle du contemplatif qui s'efforce de détourner son esprit des incitations des réactions compulsives et répétitives afin de jeter un regard neuf sur le monde et de le voir comme si c'était la première fois. En présentant l'expérience comme plus ou moins constante et prévisible, nos habitudes perceptuelles peuvent être consolantes. Chaque matin, la vue des mêmes prairies ondulantes depuis la fenêtre du train, les mêmes rues de la ville sur le chemin du travail nous rassurent et nous réconfortent. Mais les prairies et les rues ne sont pas les mêmes. Elles ont changé de manière banale mais perceptible. La lumière qui les éclaire aujourd'hui n'est pas celle qui les éclairait hier. Prenez une photo de la même vue tous les jours à la même heure et vous verrez qu'il n'y a jamais deux photos identiques. Car, contrairement au cerveau, l'appareil photo ne ment pas.
Les habitudes mentales ne font pas qu'imposer un vernis d'uniformité aux détails toujours changeants du présent. Ce faisant, elles émoussent nos sens, nous aveuglant sur le caractère unique et déroutant de chaque instant. Et elles bémolisent aussi nos émotions, nous laissant apathiques et ennuyés, aspirant aux intenses bouffées de stimulation promises dans ces publicités aux couleurs vives.
Ainsi, de même qu'un méditant observe attentivement le passage du souffle sur sa lèvre supérieure - plus froid à l'entrée, plus chaud à la sortie - l'artiste peut concentrer son attention sur des détails du monde qui sont également oubliés, considérés comme acquis ou ignorés. Le but de ces pratiques n'est pas d'acquérir des connaissances ésotériques sur les subtilités de la respiration ou les qualités particulières de la lumière du néon qui se reflète dans une flaque d'eau. On s'entraîne à voir le monde d'une manière nouvelle, qui n'est plus entièrement déterminée par les habitudes biologiques, sociales et culturelles que nous avons acquises en tant qu'animaux humains. "Si les portes de la perception étaient nettoyées", notait un autre artiste londonien, William Blake, "tout apparaîtrait à l'homme tel qu'il est, infini". Le poète ne prône pas ici un mysticisme proto-psychédélique. La vision de Blake est une vision tragique. "Car l'homme s'est enfermé", conclut-il, "jusqu'à ce qu'il voie tout à travers les fentes étroites de sa caverne".
Les morceaux de papier, de plastique et de tissu mis au rebut sont aussi éphémères et contingents que la tache distendue de lumière au sodium sur le toit d'une voiture garée. Comme la lumière réfléchie, ils portent l'empreinte du monde qui les produit et les entretient.
Lors de ma première visite (sur trois) au Bureau des Passeports de Sa Majesté, j'avais repéré un morceau de papier blanc sur le côté de Bridge Place, logé entre le macadam et le trottoir. Je l'ai saisi. Un coin avait déjà été déchire. Quelqu'un avait gribouillé dessus une grande lettre "E" avec un gros stylo marqueur noir (bien que si l’on avait été à Guangzhou, j'aurais pu le tenir sous un autre angle et voir le caractère chinois pour "montagne"). Le reste du papier était taché, souillé et, à quelques endroits, perforé de petits trous : les inscriptions typiques des chaussures et des pneus qui y sont passés dessus. Son monde était inscrit dans cette feuille de papier abîmée, tout comme les empreintes des doigts officiels étaient invisiblement tracées sur la surface de l'enveloppe jaune dans laquelle mon passeport a finalement été livré.
Il faut être rapide. Si ces objets trouvés ne sont pas immédiatement récupérés, ils seront bientôt balayés, ramassés, écrasés et détruits. Je les garde dans une chemise en plastique à fermeture éclair afin de les préserver tels qu'ils ont été trouvés. À ce stade, je m'efforce de me tenir dans ma personne et dans mes actes le plus possible à l'écart. De retour chez moi, ces objets deviennent la matière première de mon art. Ils seront collés sur du carton, découpés et recoupés au scalpel en carrés et rectangles, puis organisés avec d'autres rebuts dans une mosaïque formelle générée par des algorithmes simples. Il s'agit d'une tentative de racheter le monde en récoltant et en transformant ses déchets en objets de contemplation qui pourraient même passer pour de la beauté. "Car même le plus beau des cosmos", écrivait Héraclite au VIe siècle avant J.-C., "n'est qu'un tas de balayures entassées au hasard".
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